Comment situer le cinéma expérimental
Comment situer le cinéma expérimental
par Jean-Damien Collin
« Ici nous ne discutons que de questions matérielles,
si quelqu’un veut parler d’esthétique - on se retrouve
au bar et on discute après la réunion »
Jonas Mekas
Ceux qui attendent ici une approche esthétique ou une histoire du cinéma seront déçus. Cette étude se veut plus culturelle et sociologique. Pontus Hulten me questionnait en affirmant : « L’image en mouvement, le « film », est certainement le plus grand rival que la peinture ait jamais connu. C’est sans doute la raison pour laquelle un grand nombre d’artistes ont tenté de s’emparer de ce moyen d’expression. Des gens comme Viking Eggeling, Marcel Duchamp, Man Ray, Hans Richter, Fernand Léger, ou Len Lye et Robert Breer, sont aussi important comme cinéastes que comme peintres ou sculpteurs. Ces artistes, et bien d'autres, par affinités et pour des raisons communes, ont donné naissance à un cinéma qui a sa place à côté de leur œuvre plastique, dans l'histoire de l'évolution de l'image moderne (...) ». Ici le questionnement part immanquablement de divers aspects : le rapport de l'art à l'industrie, puis dans une optique de l'art comme expérimentation ; s’ajoute l'interrogation du rapport de l'art à l'œil (les questions de l'art comme générateur du regard et comme besoin de désaccoutumer l'oeil, extrêmement présent dans le cinéma expérimental), les questions de la signature, de l'individu, de l'œuvre et du déplacement de l'œuvre à l'individu. Puis apparaissaient les problèmes de reconnaissance sociale et artistique, les rapports à la vidéo, puis diverses questions tant historiques que sociales. Ainsi, très vite et en regard des textes existants, il m'est apparu que traiter le cinéma expérimental comme art plastique devenait, par le choix même du titre, trop limitatif ou contraignant et pouvait conduire à des illusions rétrospectives. Ce texte s’inscrit (presque) hors des problèmes esthétiques car il me fallait d'abord éclairer ou résoudre certains points par une approche plus large. Ainsi le questionnement de la place sociale, des référants sociaux répond déjà en partie, tout en élargissant l'approche, à cette appartenance du cinéma expérimental, à ce que nous appelons aujourd'hui les arts plastiques. La réflexion s'est basée sur les recherches de Nathalie Heinich sur la figure sociale de l’artiste et nombre de parallèles sont à faire dans la séparation de l'industrie et de l'art dans le champ du cinéma.
Si l'enjeu aujourd'hui dans le champ artistique est d'être ou de ne pas être un artiste, le déplacement du statut du cinéaste expérimental opéré par l'approche plastique du cinéma conduit immanquablement à interpeller l'acteur culturel d'autant plus auprès d'une culture largement ancrée dans les héritages de l'avant-garde et de la contre culture. La contre culture pose les questions est-ce que je renouvelle le langage de l'œuvre ? Est-ce que je transforme l'accès à l'œuvre ? Et il est bon de renvoyer le processus artistique à la procédure culturelle sachant que le projet artistique est totalement étranger au projet culturel. L'action culturelle sous l'emprise pédagogique conduit à la difficulté de garder l'unicité d'un champ travaillant avec la diversité. Comment intégrer la dimension critique de l'art quand l'offre artistique est calée sur une attente scolaire du public ? Comment la culture, en soit normative, peut-elle respecter la puissance négative de l'art ? On trouvera peut-être ici quelques pistes. « les arts futurs seront des bouleversements de situation ou rien » affirme, en 1952, Guy Debord dans son film Hurlements en la faveur de Sade. L'action culturelle ne devrait-elle pas y penser de temps en temps ?...
Quand il s’arrête oh ce
cheval-mouvement
De la main ou ralentir
ralentir
son mouvement
demi-ar temps ah
arrête oh arrête le cheval
ce cheval oh
Ralentir
Si vous bougez
non
Si vous bougez de là
Attention ne bougez pas
non.
Pause c’est fini
c’est fini
Quand il s’arrête ce
cheval-mouvement
Ralentir stop
Ainsi ralentir
Ralentir
(…)
Olivier Cadiot &
Rodolphe Burger,
Cheval-mouvement.
Remerciements :
yann beauvais
Jean-Michel Bouhours
Jacques Bonniel
Sylvie Ramond
Light Cone
Daniel Jacobowsky
Nota Bene :
Ce texte a été rédigé durant l’été 1997 et remanié en partie au printemps 2007.
Il s’agit à la base d’un mémoire de fin de DESS en développement culturel et gestion des entreprises culturelles.
Mise en ligne :
Mai 2007